Planifiée dans les années 60, achevée en octobre 1975, la portion rémoise de l’A4 - par la suite renumérotée A344 et surnommée Voie Jean Taittinger, est un vestige des Trente Glorieuses finissantes. Destinée à accélérer les flux, à assurer la croissance économique, c’est-à-dire à donner à Reims le statut d’une réelle capitale régionale, elle laisse aujourd’hui une marque durable dans le paysage de la ville.

Parallèle au canal de l’Aisne à la Marne et à la Vesle, l’A344 matérialise une frontière peu franchissable, source de pollution sonore et de particules fines. La ville entretient avec elle un rapport ambigu : elle est pratique et gratuite, la circulation y est fluide et elle facilite l’accès au centre-ville pour les habitants des communes alentours. L’A344 est même sans coût pour la collectivité : le classement comme domaine autoroutier garantit un entretien à la charge du concessionnaire. Mais tout de même, l’impératif de transition énergétique change le mot d’ordre pour l’avenir n’est plus vitesse mais proximité. L’avenir de l’A344 n’est pas encore programmé mais déjà des perspectives se dessinent : la destruction du « Pont de Gaulle » qui l’enjambe doit intervenir cet été.

Attendant son hypothétique fin, l’autoroute est toujours là, coupant la ville en deux, accompagnée tantôt du canal et de la voie verte, tantôt de la rivière et des jardins ouvriers, définissant un large espace où l’urbanité et la vitesse dialoguent avec les espaces libres et abandonnés.

En 1977, Jean-Louis Kretz, chercheur à l’Université de Reims publie un article intitulé “L’autoroute dans la ville”, dans lequel il pose le constat suivant :

“Mais voilà [...] que cette nouvelle voirie traverse la ville de part en part sans franchir de vieux faubourgs grisâtres, en s'écartant des anciens espaces industriels et permet de découvrir des perspectives nouvelles sur la cathédrale, sur Saint-Remi, sur la Maison de la Culture. Voilà 8km d'autoroute dans une ambiance très végétale, 8km d'arbres, de jardins, presque continus, auxquels on peut associer divers parcs privés ou publics, les espaces réservés au captage des eaux... plus de 40 ha engazonnés, des milliers d'arbres et arbustes plantés... Ainsi peut naître une nouvelle image de la ville, image flatteuse que conserveront les touristes qui, un instant descendus de leur car pour visiter la cathédrale, regagneront l'autoroute toute proche. Grâce à l'autoroute, Reims a davantage d'espaces verts !”

Cet optimisme est cependant contrebalancé par la remarque suivante, qui paraît encore résonner aujourd’hui :

“L'autoroute dans la ville ne contribue pas pour l’instant à souder le puzzle fragmenté qu’est l'espace urbain de Reims...”

A344 - Rivière urbaine